Le fonds documentaire du CCNO

Jacques Roman et Menga Dolf se connaissent depuis longtemps. Dans cet ouvrage, leur complicité est saillante à chaque page. Les dessins reçoivent un souffle des mots qui sont à leur tour enrichis par les images dans un dialogue subtil et incessant : écriture et dessins sont en intelligence. Jacques Roman " retrouve un souvenir secret " dans tel dessin, " le trait le prend de vitesse ", confie-t-il ailleurs, et de chercher à " s'accorder au scintillement de l'œuvre ". La grâce des dessins de Menga Dolf tient à leur violence toujours doublée de douceur, à leur fragilité audacieuse. Ce petit livre est le journal intime de deux artistes d'exception.

J’ai écrit ce livre au fil du fleuve Humanité appelé à me perdre eb son delta. D’autres le remonteront et se perdront en ses sources. Il n’y avait pas de plus belle Fiancée que l’expédition merveilleuse là où les chutes laissèrent sous la peau la morsure d’un tendre abandon à l’aventure.

Quel moi de mai ou quel octobre m’offre ton nom comme s’ouvrent les portes d’une poudrière quand tu m’apparais, Farolita, madone fredonnant d’un air apache et pissant clair dans la gorge d’un père de famille et client exemplaire, policier de moeurs de son état, se trotillant l’impuissant, noyé bientôt, sexe pâle et mou en sa poigne de constructeur de la Nation.

Jacque Roman prend le langage dans tous les sens, il en fait jouer aussi bien la matérialité sonore que les champs de significations. Mais c’est là travail plus que jeu, et celui-ci a partie liée avec le corps, le manque et la mort. Qu’ils mettent au jour les blessures de l’enfance ou évoquent des jouissances déchirantes, les textes réunis ici montrent une écriture à l’oeuvre.

Un homme se rend un soir dans une maison où une chambre a été retenue pour lui. Il comprend qu’un drame s’est produit, qui a fait oublier sa venue. On le conduit tout de même dans la chambre qui lui était destinée. Dans la nuit, une femme lui rend visite. La passion qui les unit – sans que jamais leur visages se découvrent – est le prétexte de ce récit fiévreux qui est aussi une réflexion sur les liens qu’entretiennent le sexe et la mort.

C’est cela, moi, que je nomme lecteur : entrainer l’ami – n’importe lequel – là-bas où je suis resté seul dans l’ombre et où il n’y a pus qu’ombre et puis, à l’aide des phrases inquiètes, prier l’ami de hanter à son tour l’ombre que je ne saurais plus habiter. Mais c’est surtout son propre rôle, et sa posture, qu’il cherche inlassablement à circonscrire, en recourant à une panoplie d’images dont voici un échantillonnage – incomplet et désordonné : Je n’aurai été que balance à mots, tout occupé à la pesée. Ecrire c’est faire corps au bloc de silence qu’aucun des bruits du monde jamais n’effleurera, n’entamera. J’aimerais être un homme-centre, uniquement à traverser. Je n’écris – c’est un soupçon – que somnambule au sein du scandale. Je ne fais que mettre des mots sur l’absence d’un mot dans ma langue, présent en mon ventre, et me demande si la mort c’est le vomir.